- Pourquoi l’attache supra-crestale doit-elle être rétablie ?
- Comment déterminer l’importance de l’éviction tissulaire à réaliser ?
- Quels sont les différents temps opératoires de l’intervention ?
- Quels délais de cicatrisation pour les phases prothétiques provisoires et d’usage ?
Les élongations coronaires chirurgicales
Les élongations coronaires ont pour but d’augmenter la longueur de la couronne d’une dent. Cet objectif semble simple, mais il n’est atteint que sous réserve de quelques impératifs que le praticien doit obligatoirement identifier lors de la consultation préopératoire. à défaut, l’échec esthétique et/ou fonctionnel est garanti. Le rétablissement ou la préservation du système d’attache parodontale est un principe fondamental. Dans le cas d’élongations coronaires fonctionnelles, la difficulté consiste à dégager l’accès aux futures limites prothétiques, voire à prévoir un espace suffisant de sertissage prothétique, sans compromettre la stabilité de la dent et la santé du parodonte. Le secteur maxillaire antérieur impose une contrainte esthétique supplémentaire, gage d’acceptation et d’intégration prothétique pour le patient.
Réponses
1 – Le système d’attache d’une dent est composé de l’os alvéolaire, du ligament alvéolo-dentaire et de l’attache épithélio-conjonctive ou attache supra-crestale.
L’attache supra-crestale, anciennement confondue avec l’espace biologique, est un espace d’environ 2 mm [1] occupé par l’attache conjonctive (1 mm) et l’attache épithéliale (1 mm). Il est normalement visible à la radiographie rétro-alvéolaire entre le sommet de la crête osseuse et la jonction émail-cément. Comme une dent possède naturellement un sulcus, certains auteurs estiment qu’il convient d’y ajouter au moins 1 mm de sulcus libre de toute structure prothétique [2]. On peut donc considérer l’espace biologique comme un « espace clinique sanctuarisé » de 3 mm au sommet de la crête osseuse alvéolaire, nécessaire à la santé et à la stabilité parodontale. La violation de l’espace biologique génère un traumatisme parodontal aboutissant à des récessions gingivales ou des gingivites prothétiques (fig. 1a-b).
Même en l’absence de restauration, l’espace biologique n’est parfois naturellement pas correctement établi sur la dent. Ce phénomène est couramment décrit comme une éruption passive retardée. Elle peut être une indication d’élongation coronaire esthétique afin de rétablir la couronne clinique dans son intégralité (fig. 2a-c).
2 – L’élongation coronaire se fera aux dépens du parodonte superficiel et du parodonte profond.
Une gingivectomie n’est possible que si le parodonte comporte plus de 3 mm de gencive kératinisée. En effet, il est recommandé de laisser au moins 2 mm de gencive attachée résiduelle pour favoriser la stabilité du parodonte marginal et l’hygiène bucco-dentaire [3]. À défaut de gencive kératinisée en quantité suffisante, il convient de déplacer apicalement le lambeau. L’ostectomie est quasi systématiquement nécessaire. Elle doit être accompagnée d’une ostéoplastie pour éviter de générer des poches parodontales.
L’ampleur de l’éviction tissulaire dépend principalement de l’objectif thérapeutique. En l’absence de besoin prothétique, il suffit de dégager la couronne clinique et de recréer l’espace de l’attache supra-crestale (fig. 3a-b). En cas de projet prothétique, il faut évaluer, lors de la consultation préopératoire, la rétention prothétique existante et la profondeur de la limite prothétique à dégager [4]. Lorsque la rétention prothétique est adéquate, il convient de dégager 3 à 4 mm de structure dentaire saine supra-crestale. Cela permettra l’établissement d’une limite prothétique respectueuse de l’attache supracrestale et du sulcus, donc de la santé parodontale. En cas de rétention prothétique insuffisante, il faut prévoir 2 mm de structures dentaires saines supplémentaires pour le sertissage prothétique, gage d’étanchéité et de résistance aux contraintes mécaniques [5] (fig. 4a-c). Le praticien peut donc parfois être amené à effectuer une ostectomie de plus de 5 mm pour une dent dépourvue de couronne clinique, ce qui peut compromettre la stabilité de la dent en cause ou des dents adjacentes. Une étude préopératoire clinique et radiographique permettra d’évaluer ce risque.
3 – Temps préopératoire 1 : évaluation clinique et radiographique des dents à traiter pour poser l’indication opératoire.
Le praticien détermine la quantité de tissus à retirer selon les critères énoncés précédemment. Les prothèses provisoires sont en place. Les traitements/retraitements endodontiques ainsi que les restaurations coronoradiculaires sont idéalement effectués en amont de l’opération, lorsque la situation clinique l’autorise. Lorsque des modèles d’étude sont réalisés, des guides chirurgicaux peuvent être fabriqués afin de prévisualiser le projet prothétique et faciliter le tracé des incisions.
Temps opératoire 2 [6] : les anesthésies locales sont effectuées et les prothèses provisoires sont descellées le cas échéant. Les incisions sont intra-sulculaires en cas de déficit de gencive kératinisée ou sous-marginales si possible pour effectuer la gingivectomie (fig. 5a). Un lambeau de pleine épaisseur est récliné afin d’exposer les corticales osseuses (fig. 5b). Les ostectomies et ostépolasties permettent de dégager la structure dentaire nécessaire aux impératifs biologiques et prothétiques. Les surfaces exposées sont surfacées pour prévenir une réattache trop coronaire du lambeau (fig. 5c). Une fraise à extrémité travaillante sera préférable à une fraise boule pour l’ostectomie au contact de la racine afin de préserver l’état de surface radiculaire (fig. 5d). Une fraise boule chirurgicale à long col est plus ergonomique pour les ostéoplasties à distance des racines dentaires exposées. Le lambeau est repositionné apicalement et stabilisé par des sutures matelassiers verticales (fig. 5e). Le bridge provisoire est rescellé au ciment provisoire le cas échéant.
4 – Il est nécessaire de respecter un temps de cicatrisation suffisant pour que le parodonte marginal se stabilise.
Certains praticiens ont tendance à limiter ce délai de peur que la gencive marginale ne regagne sa position initiale et qu’ils perdent ainsi le bénéfice de l’intervention. Si un rebond de 1 mm est possible, un rebond de plusieurs millimètres ne se produira que si les critères biologiques n’ont pas été respectés (ostectomie ou ostéoplastie absente ou mal maîtrisée, lambeau mobile en postopératoire, etc.).
Une consultation est souhaitable de 7 à 10 jours après l’intervention pour retirer les fils de suture et ainsi autoriser le rétablissement d’un brossage dentaire et interdentaire normal.
L’ajustement des préparations prothétiques et le rebasage des prothèses provisoires sont possibles à 3 semaines de l’intervention (fig. 6a).
Il est démontré que l’espace biologique nécessite 6 mois pour cicatriser d’un point de vue histologique, ce qui peut théoriquement induire des modifications du parodonte marginal [7]. Certains auteurs observent une variation de la gencive marginale de plusieurs millimètres sur ces six premiers mois [8]. D’autres estiment que la variation est négligeable au-delà de la sixième semaine de cicatrisation jusqu’au sixième mois [9]. L’épaisseur parodontale et l’ampleur de l’ostectomie sont des facteurs d’influence. Ainsi, une prothèse d’usage pourra être envisagée en toute sécurité à six mois de l’intervention. Il est recommandé de respecter ce délai dans les secteurs esthétiques. Il pourra éventuellement être raccourci en l’absence d’impératif esthétique mais un délai de six semaines reste incompressible.
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Bibliographie
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- Lang NP, Loe H. The relationship between the width of keratinized gingiva and gingival health. J Periodontol 1972 ; 43 : 623-7.
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- Pontoriero R, Carnevale J. Surgical Crown Lengthening : A 12-month clinical wound healing study. J Periodontol 2001 ; 72 (7) : 841-8.
- Bragger U, Lauchenauer D, Lang NP. Surgical lengthening of the crown. J Clin Periodontol 1992;19:58-63.
À propos de l'auteur
Dr CAMPARD
Formation associée
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Parodontologie
Dépister-diagnostiquer-traiter- Programme intégré
- Action DPC 99F92325006
- 14 h en E-learning
- 100% pris en charge (1032 €)
Dernière mise à jour le 13 février 2024