À l’heure où la dentisterie tend vers des thérapeutiques minimalement invasives, il convient de suivre le gradient thérapeutique pour guider nos choix : les bridges cantilevers s’inscrivent totalement dans cette démarche.
Les différentes options cliniques et applications en omnipratique ont été développées durant cette conférence.
Le bridge cantilever en céramique collée : Quelles dents peut-on remplacer ? Comment faire ?
Auteur : Rosa Guyonvarch
Source : Conférence plénière de la JIP 2024 animée par le Dr Olivier Etienne
Quelles solutions thérapeutiques pour remplacer les dents du secteur antérieur ?
Plusieurs solutions s’offrent aux praticiens pour compenser les édentements en secteur antérieur (figure 1).
La fermeture orthodontique est l’une des options thérapeutiques, mais elle n’est indiquée que dans certaines situations. Il peut être parfois complexe de transformer une canine en incisive latérale. L’implantologie peut également être proposée. Cependant, plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour cette thérapeutique. L’un d’eux est la croissance faciale continue. Ce phénomène peut être problématique pour les réhabilitations lorsque le mouvement atteint 1 à 2 mm autour de l’implant et qu’il devient visible.
Afin de limiter ces soucis, en moyenne il est préférable d’envisager une réhabilitation implantaire après trente ans, lorsque la croissance est présente mais se mesure en 10e de millimètre. Avant cet âge, en première intention, une réhabilitation par bridge cantilever est préférable. Dans cette tranche d’âge, l’implantologie est à envisager uniquement si une réhabilitation par cantilever n’est pas possible.
Le bridge cantilever est une alternative intéressante pour remplacer les dents du secteur antérieur. Mais une question revient régulièrement chez les praticiens : une ou deux ailettes ?
À dix ans, le taux de succès des bridges à 2 ailettes est de 73,9 % versus 94,4 % pour les bridges mono ailette [1]. Les études semblent en effet montrer que le bridge cantilever mono ailette est plus favorable. Une autre recherche de 2018 fait apparaître que pour les bridges mono ailette [2], le taux de survie est, à moyen terme (3 à 6 ans) de 100 % ; à long terme (6-10 ans), de 92,3 %-100 % ; à très long terme (15- 18 ans) de 81,8 %-95,4 %.
Le bridge cantilever mono ailette semble donc être une solution thérapeutique pertinente sur le plan mécanique.
Cantilever antérieur : quels matériaux choisir ?
Deux matériaux semblent être indiqués : disilicate de lithium ou zircone.
A court et moyen termes, des études ont montré un taux de survie de 100 % à 6 ans [3] et un taux de succès à 100 % à 3 ans [4] pour les bridges cantilever en disilicate de lithium.
Les bridges cantilevers en zircone ont cependant un taux de succès plus faible, pouvant atteindre 82,7 % à 3 ans et 95,1 % à 7,5 ans [5].
Afin d’obtenir un bon taux de succès pour les cantilevers en zircone, certains critères sont à prendre en considération : préparation de la zircone par sablage à l’alumine, l’expérience de l’opérateur, l’occlusion statique et dynamique, une bonne compliance du patient, une stabilité parodontale initiale, le port d’une gouttière de contention nocturne en fin de traitement qui joue un rôle de contention orthodontique et de protection.
Bridge cantilever en céramique collée : comment faire ?
Après le diagnostic et la décision de recourir au bridge cantilever en céramique collée (étapes 1 et 2), le protocole de réalisation peut être résumé en 8 étapes clefs (figure 2).
• Étape 3 : la préparation orthodontique
Idéalement, pour disposer d’un espace suffisant pour réaliser le projet prothétique, un recouvrement antérieur et un surplomb léger sont nécessaires.
Il peut être utile de travailler conjointement avec l’orthodontiste pour réaliser un traitement orthodontique préprothétique. Afin de faciliter la communication et la collaboration interdisciplinaires, des logiciels de planification et de simulation du sourire permettent d’établir le projet idéal [6].
• Étape 4 : la temporisation
Selon le contexte clinique, plusieurs solutions de temporisation peuvent être envisagées pour conserver une situation esthétique le temps du traitement (figure 3). La prothèse amovible partielle en résine est une option peu convenable pour le parodonte, les papilles sont comprimées, l’environnement n’est pas favorable pour le futur cantilever.
Les solutions à envisager préférentiellement sont les suivantes : lorsque le traitement orthodontique est terminé, les dents prothétiques peuvent être adjointes sur un fil collé en palatin ; la ou les dents temporaires peuvent être préservées sur l’arcade jusqu’à la pose du cantilever ; lorsque le traitement orthodontique se termine tardivement (vers 17-18 ans), une dent prothétique peut être ajoutée et jointe au bracket et à l’arc orthodontique.
Les techniques tendent à évoluer afin de potentialiser la cicatrisation et d’améliorer la phase de temporisation pour le patient.
• Étape 5 : choix de la dent support
En fonction de la dent absente, la dent support va varier.
Quand une incisive centrale est absente, il convient de placer l’ailette sur l’incisive centrale controlatérale. Quand une canine est absente, la dent support de choix est la prémolaire. Le choix de la dent support pour compenser l’édentement d’une incisive latérale est plus discuté : il peut s’orienter soit vers l’incisive centrale soit vers la canine [7].
• Étape 6 : la préparation gingivale
L’un des défis de l’intégration esthétique de la future pièce prothétique est l’intégration gingivale. Il existe différentes techniques comme les préparations gingivales soustractives. Mais doit-on vraiment enlever des tissus mous pour obtenir un résultat esthétique et fonctionnel ? La dentisterie actuelle tendant vers des thérapeutiques minimalement invasives et conservatrices, des techniques permettant de s’affranchir d’une intervention soustractive peuvent être envisagées.
La compression gingivale par le biais d’une gouttière permet de répondre à cette indication. Pour cela, il suffit de réaliser une gouttière thermoformée, de reconstruire les dents absentes en composite par le biais de la gouttière et de réaliser une forme convexe au niveau de l’intrados de la dent remplacée. Lors de l’insertion, le patient doit ressentir une gêne et non une douleur. En 48 heures, un logement concave se forme au niveau de la gencive. Un résultat clinique satisfaisant est ainsi obtenu avec un minimum d’intervention tout en favorisant le confort du patient.
• Étape 7 : la préparation dentaire
La préparation de la dent support se réalise a minima, à l’aide d’une fraise calibrée, pour permettre l’insertion de la future pièce prothétique, avec au minimum 0,6-0,7 mm d’épaisseur. Les préparations ne correspondent pas à des coronoplasties, mais ressemblent davantage à celle des facettes. Les étapes sont les suivantes : boîte mésiale ; léger congé périphérique et boîte distale ; mur occlusal ; réduction palatine ; puits arrondi de positionnement. Pour conserver le maximum de surface de connexion, il est primordial de préserver le point de contact (figure 4a).
Selon la dent support, certaines précautions sont à prendre. La préparation de la canine peut être délicate car l’épaisseur de l’émail en palatin est en moyenne de 0,8 mm.
Concernant les préparations des prémolaires, celles-ci sont moins codifiées. La préparation se doit de respecter les contraintes mécaniques qui peuvent exister dans cette zone, dans la courbure de l’arcade (figure 4b).
• Étape 8 : le choix de l’armature
Le choix du matériau dépend de la situation clinique et de l’édentement à compenser. Les deux matériaux pouvant être choisi sont la zircone et le disilicate de lithium.
• Étape 9 : le collage
L’étape d’assemblage prothétique dépend du matériau de la pièce. Il faut cependant toujours commencer par un microsablage de la préparation dentaire.
Pour une pièce en disilicate de lithium, la préparation se fait à l’aide d’acide fluorhydrique et de silane.
Pour une pièce en zircone, le nettoyage de l’intrados doit se faire au préalable avec un sablage à l’alumine, suivi par l’application d’un primer. L’assemblage se fera préférentiellement avec des produits contenant la molécule 10-MDP [8].
• Étape 10 : contrôles
Le contrôle de l’occlusion en statique et dynamique est primordial, afin de finaliser l’intégration de la pièce prothétique.
Une gouttière de contention nocturne permet de maintenir le résultat obtenu en fin de traitement, et de limiter l’apparition de récidives. C’est pourquoi des contrôles semestriels permettent d’anticiper et de détecter rapidement les récidives, comme l’ouverture des espaces interdentaires.
Conclusion
Le bridge cantilever antérieur est une alternative à l’implantologie et à la fermeture orthodontique, lorsque l’indication est posée. Cependant, il ne s’agit pas d’une alternative tout aussi résistante qu’un implant. En effet, il existe un risque de fracture pour les cantilevers en e.max et un risque de décollement pour les pièces en zircone. Il est donc important de bien poser l’indication de chaque thérapeutique et d’obtenir l’observance du patient.
Le bridge collé cantilever peut aussi être indiqué en secteur postérieur. Cependant, cette indication étant récente, la durée des études reste faible pour établir un consensus. Cette solution thérapeutique peut tout de même permettre de compenser un édentement postérieur lorsque l’implant est refusé ou contre-indiqué.
L’évolution des techniques et de la nomenclature tend à intégrer davantage les bridges cantilever dans la pratique quotidienne des chirurgiens-dentistes, proposant de nouvelles solutions thérapeutiques, sans pour autant remplacer les réhabilitations implantaires ou les fermetures orthodontiques, mais pour proposer un panel de choix.
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Absence d’une dent dans le sourire : Bridge cantilever
Bibliographie
- Kern M, Sasse M. Ten-year survival of anterior all-ceramic resin-bonded fixed dental prostheses. J Adhes Dent 2011;13(5):407‑10.
- Mourshed B, Samran A, Alfagih A, Samran A, Abdulrab S, Kern M. Anterior Cantilever Resin-Bonded Fixed Dental Prostheses: A Review of the Literature. J Prosthodont 2018;27(3):266-75.
- Sailer I, Bonani T, Brodbeck U, Hämmerle CHF. Retrospective clinical study of single-retainer cantilever anterior and posterior glass-ceramic resin-bonded fixed dental prostheses at a mean follow-up of 6 years. Int J Prosthodont 2013;26(5):443‑50.
- Jonker JA, Tirlet G, Dagba A, Marniquet S, Ouwerkerk M, Cune MS, et al. A 32-month evaluation of lithium disilicate cantilever resin-bonded fixed dental prostheses to replace a missing maxillary incisor. J Prosthet Dent 2023;S0022-3913(23)00545-0.
- Al-Bermani ASA, Quigley NP, Ha WN. Do zirconia single-retainer resin-bonded fixed dental prostheses present a viable treatment option for the replacement of missing anterior teeth? A systematic review and meta-analysis. J Prosthet Dent 2023;130(4):533‑42.
- Kinzer GA, Kokich VO. Managing congenitally missing lateral incisors. Part II: tooth-supported restorations. J Esthet Restor Dent 2005;17(2):76‑84.
- Etienne O. Le cantilever céramique : et pourquoi pas l’ailette canine ? L’Information Dentaire 2021;103(3)7:70-6.
- Roman T, Cournault B, Teyagirwa PF, Erkel A, Levratto F, Richelme J, et al. Shear bond strength between standard or modified zirconia surfaces and two resin cements incorporating or not 10-MDP in their matrix. Dent Mater 2024;40(2):370‑8.
À propos de l'auteur
Rosa Guyonvarch
Formation E-learning DPC
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Absence d'une dent dans le sourire
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Dernière mise à jour le 24 octobre 2024