Collage des restaurations adhésives. Quels traitements de surface des pièces prothétiques ?
Le composite et les céramiques vitreuses restent les matériaux de choix des restaurations indirectes adhésives. Mais limiter les restaurations adhésives à ces deux matériaux serait une erreur. En effet, dans certaines situations spécifiques, le métal, dont on cherche aujourd’hui à limiter l’utilisation, en particulier pour son aspect inesthétique, peut encore être utilisé. De plus, la zircone, utilisée initialement en prothèse scellée, tend à se faire une petite place, certes encore limitée, au sein des restaurations adhésives. Enfin, l’arrivée de matériaux de type céramique hybride vient bousculer le champ d’indication des matériaux de la dentisterie adhésive.
La restauration de l’organe dentaire par une restauration adhésive indirecte nécessite le conditionnement de deux surfaces : dentaire et prothétique.
Si le traitement de surface de l’organe dentaire est généralement bien maîtrisé, car il consiste souvent en l’application d’un système adhésif, le conditionnement de la surface prothétique peut poser plus de problèmes du fait de la diversité des protocoles selon la nature des matériaux. Refaisons le point sur ces traitements de surface.
Assemblage des céramiques avec matrice de verre
(feldspathique et de synthèse à base de leucite ou de disilicate de lithium) (fig. 1)
Ces céramiques doivent être obligatoirement collées pour deux raisons essentielles :
- elles servent généralement à réaliser des restaurations reposant sur des préparations non ou peu rétentives. Le mode d’assemblage assurera donc à lui seul la rétention de la restauration ;
- elles sont fragiles. Le fait de les coller permettra de dissiper les contraintes en leur sein et leur conférer ainsi une résistance mécanique.
Parmi les 3 familles de colle disponibles (composite de collage, colle complexe à potentiel adhésif, colle autoadhésive), il faut choisir les composites de collage pour assembler ces céramiques. Leur emploi nécessite un traitement préalable de l’intrados de la pièce prothétique et un conditionnement des tissus dentaires selon le protocole détaillé ci-après.
Conditionnement de l’intrados de la pièce prothétique [1]
Traitement de l’intrados de la pièce prothétique avec de l’acide fluorhydrique
L’acide fait naître des anfractuosités au sein de la matrice vitreuse, augmentant la surface développée pour le collage et créant des microrétentions, permettant un verrouillage micromécanique du composite de collage [2, 3].
Le temps d’application et la concentration de l’acide dépendent de la nature de la céramique [4] :
- céramique feldspathique : traitement à l’acide à 10 % pendant 90 secondes ou 120 secondes si acide à 5 % ;
- vitrocéramique renforcée à la leucite : traitement à l’acide à 5 % pendant 60 secondes.
- vitrocéramique renforcée au disilicate de lithium : traitement à l’acide à 5 % pendant 20 secondes. À noter que pour la Celtra® Duo (Dentsply Sirona), le temps d’application est de 30 secondes avec un acide à 5 %.
Cette étape, réalisée par le praticien après essayage de la pièce prothétique, est parfois effectuée par le prothésiste. Dans ce cas, après l’étape d’essayage, la restauration ayant été contaminée par la salive, le praticien se contentera de réactiver la surface par l’application d’acide phosphorique à 35-37 % pendant 15 secondes [5].
Rinçage de l’acide fluorhydrique et séchage
Un rinçage abondant à l’eau pendant 60 secondes est primordial pour éliminer toute trace d’acide [4]. Même après un rinçage à grande d’eau, de nombreux cristaux peuvent rester à la surface mordancée, ce qui peut diminuer l’adhérence. Magne et Belser vont donc plus loin en proposant un rinçage et une neutralisation de l’acide en plaçant la pièce prothétique dans un bac à ultrasons avec du bicarbonate de soude pendant 60 secondes ou dans un bac à ultrasons avec de l’alcool à 95° pendant 5 minutes [6].
Application d’un silane
Après séchage de la pièce prothétique, une couche de silane est appliquée pendant 1 minute sur la céramique mordancée, puis séchée à l’air. Cet agent de couplage permet la rétention de la céramique au composite de collage grâce à sa haute mouillabilité et sa contribution chimique à l’adhésion. En effet, le silane est une molécule bi-fonctionnelle qui assure le collage chimique à la silice [7], augmentant la résistance au cisaillement du collage céramique/composite [8].
Application de l’adhésif
Une fois le silane entièrement séché, l’adhésif est appliqué sur la céramique. Le système adhésif sélectionné doit être compatible avec le composite de collage. L’adhésif n’est pas photopolymérisé à ce stade. La pièce prothétique est donc placée immédiatement dans une enceinte inactinique pour éviter une polymérisation précoce de l’adhésif. Des études ont montré que l’application d’adhésif sur la céramique mordancée et silanée pourrait ne pas être nécessaire [9, 10]. Cette étape peut être envisagée comme optionnelle [10].
Conditionnement de la surface dentaire
Le collage aux tissus dentaires doit s’effectuer avec un champ opératoire propre, sans salive ni sang ni contaminant buccal. La digue en caoutchouc, bien que non obligatoire, reste, selon nous, le moyen le plus fiable d’avoir un champ opératoire de travail optimal.
La dent est nettoyée avant l’essai clinique de la prothèse. Les gels d’essai ou le ciment provisoire doivent être éliminés à l’aide d’une brossette/cupule et de la ponce.
Il existe deux possibilités :
- la dentine a été scellée (hybridée) lors de la préparation dentaire : la surface dentaire est alors sablée avec des particules d’alumine de 30 µm avant l’application d’acide phosphorique à 37 % pendant 15 secondes, avant rinçage et séchage ;
- la dentine n’a pas été scellée (hybridée) lors de la préparation dentaire : le praticien applique toutes les étapes du système adhésif sélectionné sur la préparation dentaire. Rappelons qu’il existe des systèmes adhésifs avec mordançage à l’acide phosphorique (M&R3 et M&R 2), des systèmes automordançants (SAM2 et SAM1) et des adhésifs universels utilisés selon un mode M&R ou SAM. Si un adhésif avec mordançage préalable est sélectionné, l’émail est mordancé pendant 30 secondes et la dentine pendant 15 secondes. Quel que soit le système choisi, le praticien suivra scrupuleusement le protocole et les recommandations du fabricant.
Le collage
Quand les surfaces prothétique et dentaire sont prêtes, le composite de collage est appliqué dans l’intrados de la pièce prothétique qui est ensuite positionnée sur la dent à restaurer. Les excès de colle sont éliminés. L’ensemble du joint de la restauration est recouvert de glycérine pour que la polymérisation du composite de collage se fasse à l’abri de l’oxygène de l’air. Le durcissement du composite de collage peut alors se faire.
Assemblage des céramiques polycristallines : cas de la zircone
Un traitement à l’acide fluorhydrique associé à un silane est inactif sur les céramiques polycristallines [4] (fig. 2). Deux options existent pour coller de la zircone.
Utilisation de colles autoadhésives
La dent est nettoyée avant l’essai clinique de la prothèse. Le ciment provisoire doit être éliminé. Ce nettoyage s’effectue avec une brossette/cupule et de la ponce.
La colle auto-adhésive est injectée dans l’intrados de la pièce prothétique. La prothèse est positionnée. Un flash de photopolymérisation de 2 secondes permet un durcissement initial de la colle facilitant l’élimination des excès. Puis la prise finale de la colle se poursuit sous pression.
Ce protocole permet un collage rapide d’une restauration en céramique polycristalline. Cependant, comme le montre le rapport de CRA de 2010 [11], ces colles autoadhésives ont des valeurs d’adhérence qui se rapprochent plus de celles d’un ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine que de celles obtenues avec un collage traditionnel. De ce fait, une deuxième proposition s’offre à nous.
Utilisation d’une colle à potentiel adhésif
L’intrados de la céramique est sablé avec de l’oxyde d’aluminium à 50 µm puis rincé à l’eau. Une couche de silane est appliquée pendant une minute. Le silane est séché à l’air. Puis la restauration est collée avec une colle complexe contenant du méthacrylate d’acide phosphorique (MDP) [12-14].
Il faut veiller, lors du sablage d’une céramique polycristalline, à respecter la taille des particules utilisées ainsi que la pression de sablage qui ne doit pas excéder 2 bars.
En effet, si les particules ont un diamètre supérieur à 50 µm, avec une pression trop importante, des fissures peuvent apparaître dans l’armature de la prothèse, une transformation de phase de la céramique peut s’initier, le tout se caractérisant par une diminution de la résistance à la fatigue de la prothèse [15, 16].
Assemblage des céramiques avec matrice en résine ou céramique hybride
Conditionnement de l’intrados de la pièce prothétique
Un traitement à l’acide fluorhydrique à 5 % pendant 20 secondes est réalisé. Après rinçage abondant à l’eau, une couche de silane est appliquée sur la surface mordancée [17].
Ces étapes ont les mêmes objectifs que ceux discutés préalablement pour les céramiques vitreuses.
Conditionnement de la surface dentaire
Les étapes sont identiques à celles décrites pour les céramiques vitreuses.
Assemblage des restaurations en composite (fig. 3)
Conditionnement de l’intrados de la pièce prothétique
Un sablage à l’oxyde d’aluminium 27 µm doit être fait, suivi d’un nettoyage de la surface par application d’acide phosphorique à 37 % pendant 60 secondes. Après rinçage à l’eau puis séchage, une couche de silane est appliquée [17]. L’utilisation de cette composante chimique est aujourd’hui controversée.
Conditionnement de la surface dentaire
Les étapes sont identiques à celles décrites pour les céramiques vitreuses.
Assemblage des restaurations métalliques
Pour les bridges collés à ailettes métalliques, nous préconisons l’utilisation d’une résine chémo-activable à base 4-méthacryloxyéthyl trimellitate anhydride. Ce matériau témoigne d’une bonne tolérance biologique, marquée par une absence de réaction dentino-pulpaire après études histologiques [18, 19]. De plus, cet adhésif, dont la rhéologie permet une absorption et une dissipation des contraintes par viscoélasticité, possède des valeurs d’adhérence remarquables sur des substrats de nature diverse (alliage Ni-Cr : 48 MPa ; émail : 15 MPa ; dentine : 13 MPa).
Associé à cette colle, nous préconisons de réaliser un traitement de surface de l’alliage par l’emploi d’un promoteur d’adhésion silicique associé à un agent de couplage de type silane. Ce dépôt silicique peut être réalisé sous haute pression selon le procédé Rocatec® ou Cojet®.
Les préparations sont isolées par la mise en place d’une digue. Avant collage, elles sont sablées à l’oxyde d’aluminium, décontaminées à l’aide d’une solution de digluconate de chlorhexidine à 2 %. Puis nous procédons au conditionnement des tissus durs de manière conventionnelle.
Conclusion
Parmi les facteurs influençant la performance du joint collé, la propreté des surfaces et le respect des traitements de surface jouent un rôle prépondérant. La connaissance des matériaux à coller et leur conditionnement de surface sont donc primordiaux pour améliorer la pérennité des restaurations adhésives.
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Bibliographie
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Dernière mise à jour le 13 février 2024