Attitude thérapeutique face à une prothèse implantaire douloureuse

Auteur : Jérémie Perrin

L’assemblage de prothèses implanto-portées est un acte courant dans notre pratique actuelle. Si l’acte est quotidien, il arrive que la prothèse soit mal supportée par les patients pour des raisons plus ou moins évidentes. L’environnement des tissus péri-implantaires est proche de celui des dents naturelles, mais avec une différence principale : la section des implants dentaires est globalement ronde, alors qu’aucune racine dentaire n’a cette forme [1]. La zone de transition implant-prothèse supra-implantaire, représentant les contours des éléments prothétiques personnalisés et adaptés à l’architecture gingivale péri-implantaire, est appelée le profil d’émergence. Des erreurs dans sa réalisation peuvent avoir des conséquences esthétiques et mécaniques.

 

Situation initiale

Un patient, sans problème de santé systémique, consulte pour des douleurs chroniques sur une prothèse implanto-portée unitaire. L’implant remplace la seule dent absente de l’arcade mandibulaire, l’édentement est encastré.

Le patient décrit des douleurs dès l’assemblage, qui sont majorées à la mastication, et cela depuis la mise en place de la prothèse il y a plus de cinq ans.

Hypothèses

Après discussion avec le patient, plusieurs hypothèses sur l’origine des douleurs se dégagent :

  • Excès de ciment lors de l’assemblage [2].
  • Absence ou perte d’ostéo intégration implantaire.
  • Dévissage d’un élément prothétique, que la prothèse soit scellée ou vissée [3].
  • Surcharge occlusale sur l’implant.
  • Absence ou perte de point de contact entraînant des bourrages alimentaires [4].
  • Allergie à des composants prothétiques (alliage métallique notamment).
  • Inadaptation de la prothèse sur l’implant (présence de hiatus à la jonction prothèse-implant).
  • Une pathologie sur une ou plusieurs dents collatérales à l’implant.

Ces hypothèses se dégagent car elles sont bien connues et ont déjà été rencontrées. L’examen clinique va venir informer ou confirmer l’étiologie.

Examen clinique

La première chose remarquable en bouche est la bonne intégration de la prothèse : l’ensemble est immobile, intact (la prothèse ne présente pas d’éclats de céramique), les points de contacts sont également présents. Un dévissage ou une altération de la restauration n’apparaissent pas comme de possibles causes aux douleurs décrites. Les tissus péri-implantaires sont d’aspect sain, sans saignement, gonflement ni présence de pus.

Un puits de vissage indique que la prothèse est vissée : le ciment n’est a priori pas en cause ici. Le patient a bénéficié, sur certaines dents naturelles, de restauration dento-portées bien tolérées : une allergie ne semble pas en cause. L’examen occlusal (papier articulé de 40 µ) ne met pas en évidence de surcharge sur la prothèse, et l’ensemble de la denture est équilibré.

Le test de percussion produit un son mat, mais provoque une douleur équivalente à celle de la mastication. Enfin, l’hygiène bucco-dentaire du patient est bonne, il n’y a pas de biofilm ou de débris alimentaires présents.

Les dents du même cadran sont saines, vitales et porteuses de restaurations mineures.

Examen radiologique

La radiographie rétro-alvéolaire (fig. 1) va confirmer la bonne santé implantaire : aucune radio transparence radiographique péri-implantaire n’apparaît et aucune perte osseuse marginale n’est décelable. L’implant est parfaitement intégré. La radio confirme la santé des dents collatérales à l’implant.

Décision thérapeutique

Les critères radiologiques et cliniques de l’ostéointégration étant remplis [5, 6], c’est la conception de la prothèse qui va être remise en question. N’y aurait-il pas une compression trop importante des tissus péri-implantaires dans la zone du profil d’émergence ?

La décision thérapeutique est de déposer la prothèse pour permettre un examen visuel des tissus mous sous-jacents. Le choix d’une prothèse vissée et non scellée facilite cette exploration. À la dépose, on observe des tissus inflammatoires, surtout en distal (fig. 2). Il apparaît que le profil d’émergence est trop compressif. Une empreinte implantaire est réalisée, et la prothèse envoyée au laboratoire pour diminuer la compression en modifiant le profil d’émergence (fig. 3, 4). Cette option thérapeutique est la plus simple à mettre en œuvre, la réalisation d’une autre prothèse ne sera envisagée que si les modifications n’améliorent pas la situation clinique. Afin de guider le prothésiste, les photos des tissus mous accompagnent la prothèse pour une réduction optimisée (fig. 5). Une semaine après la dépose, le patient confirme l’absence de douleur, les tissus ont cicatrisé (fig. 6, 7). La prothèse est réassemblée, mais obturée de façon temporaire, et un rendez-vous de contrôle est programmé à un mois (fig. 8, 9). Au contrôle, la prothèse est indolore bien que sollicitée, et on constate une absence d’inflammation des tissus mous (fig. 10). L’assemblage et l’obturation d’usage permettent de répondre à la demande du patient. L’importance de la retouche du profil d’émergence est visualisée grâce à la radiographie de contrôle (fig. 11).

Conclusion

Ce cas clinique illustre la difficulté de reproduire le profil d’émergence naturel sur des prothèses implanto-portées, même en secteur postérieur. En présence de douleurs à la mastication et en l’absence de toute autre pathologie (péri-implantite, mucosite) ou inadaptation prothétique, la compression des tissus péri-implantaires doit être vérifiée et éventuellement réduite pour une intégration optimale des prothèses (fig. 12).

Ce qu’il faut retenir

• Le profil d’émergence des prothèses implanto-portées unitaires permet une intégration esthétique optimale.

• Si ce profil est trop compressif, il sera accompagné de douleurs importantes, notamment à la mastication.

• Des modifications peuvent être entreprises avant de refaire une nouvelle prothèse d’usage.

• Comme souvent, l’examen clinique puis radiologique guide la décision thérapeutique.

Vous avez aimé cet article ? 
Approfondissez la thématique en suivant la formation DPC du Dr Jérémie Perrin :
Prothèse sur implant

Bibliographie

  1. Llobell P. La gestion des profils d’émergence au laboratoire. QDRP 2018 ; 12 (4) : 363-74.
  2. Wilson TG Jr. The positive relationship between excess cement and peri-implant disease: a prospective clinical endoscopic study. J Periodontol 2009 ; 80 (9) : 1388-92.
  3. Wittneben JG, Millen C, Brägger U. Clinical performance of screw versus cement retained fixed implant supported reconstructions, a systematic review. Int J Oral Maxillofac. Implants 2014 ; 29 (suppl) : 84-98.
  4. Perrin J, Laferté N, Plard H, Fromentin O. Créer et perdre le contact en prothèse fixée supra implantaire. Implant 2020 ; 26 : 56-64.
  5. Albrektsson T, Zarb G, Worthington P, Eriksson AR. The long-term efficacy of currently used dental implants: a review and proposed criteria of success. Int J Oral Maxillofac Implants 1986 ; 1 (1) : 11-25.
  6. Smith DE, Zarb GA. Criteria for success of osseointegrated endosseous implants. J Prosthet Dent 1989 ; 62 (5) : 567-72.

À propos de l'auteur

Dr Jérémie PERRIN
Docteur en chirurgie dentaire
  • Ex AHU Parodontologie et Prothèses
  • Maîtrise de Sciences Biologiques et Médicales
  • CES de Parodontologie
  • CES de Prothèse Scellées
  • CES d’Odontologie Chirurgical
  • Speaker ITI et Fellow ITI
  • Membre du Comité de rédaction Stratégies Prothétiques

Formation E-learning DPC

  • Prothèse sur implant

    Réalisation de prothèses implantaires de l’empreinte à la maintenance
    • Programme intégré
    • Action DPC 99F92325003
    • 14 h en E-learning
    • 100% pris en charge (1034 €)

Dernière mise à jour le 22 avril 2025